Reconstituer l’histoire du rap en République centrafricaine est un véritable défi. La documentation, déjà éparse pour les autres traditions musicales centrafricaines, l’est encore davantage pour ce mouvement culturel qui existe depuis plus de trois décennies.
En raison de la situation unique de ce pays et de son industrie musicale fragile, il est difficile de reconstituer la scène hip-hop en Centrafrique, qui est moins structurée que dans des pays voisins tels que le Cameroun ou le Gabon.
Convertir et Télécharger des Vidéos YouTube en MP3 : Méthode Gratuite et Rapide – Apprenez à convertir et télécharger des vidéos YouTube en MP3 gratuitement et rapidement. Obtenez facilement de la musique de qualité sans logiciel.
Ainsi, cette revue ne prétend nullement à être exhaustive.
Dany Dan, un rappeur venant de la République centrafricaine. Photo : Arnooo!
Des débuts compliqués
En 1982, Bassé Freddy, connu sous le nom de Galère suprême, originaire du quartier Castor à Bangui, fait partie des premiers à s’intéresser à la culture hip hop dans le pays, débutant avec le graffiti avant de se lancer dans le rap. Dans les années 90, il assiste à un concert du rappeur français MC Solaar au CCF, aujourd’hui appelé l’Alliance Française de Bangui.
Les figures emblématiques du mouvement incluent Paps, Mc Pakito, Boris Dédé sombo (Ol’ wa), et Docteur Soglo. En 1997, Guy Thierry Alima, propriétaire du Studio Jowice, a organisé le premier festival de rap (Festi rap) et a été pionnier dans la production de cassettes originales. Cette même année, le groupe Sewa Soul a sorti le premier album de rap commercialisé, intitulé “Baissez vos armes”, qui a été largement diffusé sur la radio Ndeke Luka et s’est classé au hit-parade Kilimandjaro sur Africa n°1. Le groupe a également été le premier à se produire à l’international, en participant au festival MASA en Côte d’Ivoire en 1999.
Dans les années 2000, une scène rap plus visible émerge avec la compilation Bango’s Rap 1. Cette compilation réunit les principaux rappeurs de Bangui, la capitale de la République centrafricaine : Secteur O+, Le Staff, Sons of Sun, Kotangbanga, Black Bino, Bravo, Mac Siot ainsi que les groupes FM16, Cwa Soul, El Shamma, Duké Klan et Klan 235.
Certains réussissent à se démarquer lors des festivals de hip hop en Afrique centrale, tels que le Gabao Hip Hop.
En 2007, l’Alliance française de Bangui inaugure le Sümä Hip-hop (rêve en sango).
Le deuxième festival centrafricain de Rap, qui s’est déroulé en avril 2008, a gagné en popularité. Parrainé par le rappeur sénégalais Didier Awadi, Fredy Massamba et Saintrick, artiste du Congo Brazzaville résidant au Sénégal, cet événement a rassemblé plus de 12 000 participants.
Parmi les rappeurs de la scène locale présents au festival Suma Hip-Hop, Achap et Obob Montana du groupe Secteur O+ ont partagé la scène avec Didier Awadi.
Obob Montana, un rappeur underground ayant vécu quelque temps en France à la Cité des Francs-Moisins (93), Balthazar Guevara des Sons of Sun en référence à Che Guevara, ne mâche pas ses mots concernant le régime de François Bozizé, alors au pouvoir, devant la caméra du rappeur Gaël Faye : « Ces hommes politiques sont des voleurs de fonds publics. Nous, on crache la vérité », affirme-t-il.
Son complice Pap III des Sons of Sun déclare : « Il n’y a pas de démocratie à Bangui, pas de droits de l’homme à Bangui, pas de liberté d’expression. À Bangui, la presse est muselée. Bangui, ville de ma naissance, Bangui, ville de ma souffrance. Bangui, ville des grèves, des voleurs, des braqueurs et des pillards. »
Le Docteur Nitro, membre du groupe le Staff, provient du quartier populaire de Suma Kodro à Bangui, qu’il décrit comme « chaud avec des flics partout ». « Au début, on faisait du freestyle égotrip, puis on a choisi de s’engager dans nos paroles ».
D’après lui, le ministère de la culture et l’Ambassadeur de France présents à l’événement ont été contraints de partir en raison « des vérités révélées » par le Staff et le Secteur O+.
La même année, le groupe Top Oubanguien (en référence à l’Oubangui-Chari) a été choisi pour participer au festival Gabao hip-hop. En mars 2009, pendant son séjour à Bangui, Gaël Faye a enregistré une chanson avec l’excellent MC Black Bino, qui rappe en sango (une des langues locales de la Centrafrique), ainsi qu’avec Bravo et Mac Siot.
On observe également la présence de Gaël Faye sur le titre, accompagné de Mary, l’une des rares rappeuses du pays. À part Mamy Wata, qui réside en France, il y a surtout Laetitia Zonzambé, ancienne membre du clan Duké, qui continue sa carrière de chanteuse au Canada.
En 2005-2006, Alain Kaniki, remarquant le talent des artistes urbains centrafricains lors de kermesses, a investi dans un petit studio appelé AKK Productions, où de nombreux rappeurs locaux ont enregistré.
Né à Bangui en 1983 et ayant grandi à Bria, de mère belge et américaine et de père centrafricain, Armani Kombot-Naguemon, connu sous le pseudonyme de Boddhi Satva, est un beatmaker de renommée mondiale.
Ayant fréquenté tous les rappeurs nationaux avant de se plonger dans la “house” (un genre musical électronique propulsé par les DJs), il est certainement le Centrafricain le plus célèbre à l’étranger, mais il reste toujours attaché à son pays d’origine où il a établi son propre studio.
La communauté centrafricaine en France
Daniel Lakoué, également connu sous le nom de Dany Dan du groupe de rap français Les sages poètes de la rue, est originaire de la République centrafricaine. Dans leur dernier album intitulé “Art contemporain”, sorti en mars 2017, le rappeur, ayant grandi aux côtés de ses compères Zoxea et Melopheelo à Boulogne-Billancourt, évoque pour la première fois, dans une rare introspection, son père centrafricain venu en France, sur le morceau “Papa india”, accompagné par la chanteuse d’origine camerounaise Valérie Belinga aux chœurs : “C’est un hommage, pas une simple dédicace, que je rends à monsieur Lakoué”.
D’un côté, Daddy Lord C, aussi connu sous le nom de Clarck Ebara, rappeur du célèbre collectif français la Cliqua, est né dans la ZUP du Mont-Saint-Martin à Nemours, en Seine-et-Marne. Il garde toujours un lien fort avec ses origines centrafricaines et a pris part en 2013 à un concert de bienfaisance pour son pays d’origine, qui s’est tenu à Mantes-la-Jolie, en région parisienne.
Le frère de Jo Dalton, connu sous le nom de Jérémie Maradas-Nado, est à la tête du gang bien connu des Black Dragons, chasseurs de skinheads dans la banlieue parisienne. Enfant d’un ancien sénateur de la Vème République, il a fui la Centrafrique à l’âge de dix ans, sa famille étant menacée par le régime de Bokassa. Arrivé à Grigny, dans l’Essonne, en 1981, Jo Dalton et sa famille y ont élu domicile.
Le rappeur Lyon’s, l’oncle de Daddy Lord C, a grandi à Sevran, un quartier de Rougemont dans le 93. En 1990, il a fondé les 3 coups avec Monsieur R et a publié un EP emblématique “Vérifie la devise” en 1995.
Il relate son retour dans son pays natal, la République centrafricaine, où il a été contraint de partir en 1996, lors des mutineries contre le président Ange-Félix Patassé : « Mon arrivée en Centrafrique coïncidait avec un coup d’État. Je tentais de trouver ma place tant bien que mal au milieu de ce chaos. Il me fallait retrouver mes repères. Tout était différent, je ne reconnaissais plus ce pays que j’avais quitté à l’âge de cinq ou six ans. J’étais devenu étranger à ma propre terre, un inconnu.
J’étais surnommé “le Frenchy”. À force de chercher, je commence à repérer les studios, je croise des formations qui se forment… Mon avantage, c’est d’avoir publié un album en France. Dans mon pays, j’étais le pionnier du rap centrafricain connu. J’apportais les dernières tendances hip-hop. Les 2 Bal et R étaient en train de se faire un nom en France.
Ils étaient présents sur MCM (une chaîne musicale). On me conviait dans les cercles VIP. Je tentais d’organiser des événements : des festivals, des soirées intimistes… J’ai collaboré avec deux ou trois groupes qui sont désormais les ténors du rap en République centrafricaine. Mais j’ai dû partir pour la Côte d’Ivoire à cause des tensions qui éclataient!
La prochaine vague de jeunes talents.
En 2011, dans le domaine commercial, est apparu le vidéoclip « Bê ti guinza » de la maison de production AKS, mettant en avant un rap centrafricain empreint de positivité. La réalisation du clip a été confiée à Lassa Kossangué, une figure bien connue à Bangui pour ses réalisations avec les artistes urbains centrafricains, tels que Capitaine Zuele Zuele ou Ozaguin, dans le style local du ndombolo.
Après le conflit civil de 2013, plusieurs rappeurs, notamment Mohamed Saleh, ont promu la réconciliation lors d’un concert emblématique à PK5. De même, en 2006, dans le quartier Sica Benz-V de Bangui, le groupe militant MC Fonctionnaire voit le jour sous la direction de Petrus. L’un de leurs albums s’intitule “623 000 km2 de vérité”, faisant référence à la taille du pays.
Au sein de ce groupe, Merveille Parfait Gonikara, connu sous le nom de Veyzo, entame une carrière solo prometteuse avec sa première mixtape engagée : « Les éclats des armes s’apaisent peu à peu, le jeune Centrafricain lutte pour sa propre existence », souligne-t-il.
Contrairement à beaucoup d’autres artistes en République centrafricaine, il ne prévoit pas de partir à l’étranger : « J’ai acquis beaucoup d’expérience en vivant deux ans au Cameroun. Je ne compte pas devenir un vagabond en France. Je suis un rappeur centrafricain, mon engagement est ici ! ».
Dans un style plus “bling bling”, Soldiier fusionne l’afro-trap centrafricaine avec brio dans son titre “Jouer”, accompagné de Sparrow et Lawal izii-Ala Sigui, qui a fait sensation l’année dernière.